Le diagnostic d’un cancer quand on est agricultrice peut très vite impacter aussi la santé de l’exploitation. Comment gérer un arrêt de travail ? Quelles sont les aides et les recours possibles ? A qui s’adresser ? Réponses.
Travailler la terre signifie souvent que l’on vit éloigné des grands centres urbains et des établissements médicaux. Si trouver un médecin en milieu rural - où les déserts médicaux s’étendent inexorablement - est déjà difficile, que dire quand il s’agit d’un spécialiste... ? Face au cancer, cette réalité complique le parcours de soins des agriculteurs et agricultrices (elles représentent un quart des 400 000 exploitants recensé en 2019 selon l’INSEE). Mais à cela s’ajoute aussi l’angoisse de voir leur exploitation (69% sont installés à leur compte sans employer aucun salarié) flancher en même temps que leur santé.
S’arrêter mais à quel prix ?
Dans ses conditions, se mettre en arrêt maladie ne vient pas toujours à l’esprit des concernés. Ainsi Anne, éleveuse en Normandie, ne l’a pas envisagé une seconde lorsque son cancer du sein a été diagnostiqué en 2012, à 31 ans. Alors que ses enfants étaient encore petits, et qu’elle a dû enchaîner mastectomie puis rayons tous les deux jours, le travail à la ferme s’est donc organisé avec les moyens du bord. Les beaux-parents aidaient à la maison. « Aujourd’hui, je demanderais un arrêt de travail sans hésiter. Mais à l’époque, ça n’avait aucun intérêt : je n’aurais touché aucune indemnité journalière (IJ) ! » souligne-t-elle. Et pour cause. Les IJ n’ont été mises en place qu’en 2014.
C’est la Mutualité sociale agricole (MSA) qui les verse via l’AMEXA (régime d’assurance maladie maternité et invalidité des agriculteurs non-salariés). La MSA est l’acteur unique de la protection sociale dans le domaine de l’agriculture. Quel que soit leur statut, tous les actifs du secteur y cotisent et elle gère tout : les allocations familiales, la retraite, les accidents du travail et la couverture santé.
En cas d’arrêt maladie, le montant de l’indemnité, versée après 3 jours de carence (1) et jusqu’à trois ans, s’élève à 21,47 €/ jour. Au-delà du 29e jour d’arrêt maladie, elle passe à 28,63 €. Pour bénéficier d’une rallonge, il faut avoir souscrit en plus une assurance privée.
La MSA : un acteur multi-services
Les caisses de la MSA ont l’avantage de fonctionner comme un guichet à la fois de sécurité sociale et de santé-sécurité au travail. Toutes disposent de « cellules pluridisciplinaires de maintien en emploi (CPME), qui réunissent tous les acteurs de la santé et de l’action sociale, pour mettre en place un accompagnement individualisé des assurés agricoles fragilisés par leur cancer » souligne-t-on à la MSA. Elle dispose de travailleurs sociaux capables d’évaluer les besoins de soutien économique, physique ou psychologique du malade et de ses proches, et de les aider à faire valoir leurs droits, que ce soit pour la prise en charge de l’achat d’une perruque ou pour une aide à l’emploi d’un remplaçant. Le hic, souligne Catherine, 58 ans, viticultrice en Champagne et en ALD (affection longue durée) depuis 4 ans pour un lymphome : « c’est qu’il faut faire la démarche soi-même : pas évident d’avoir cette énergie quand on est malade ».
Se faire remplacer : une solution plutôt onéreuse
Celles qui s’arrêtent reconnaissent toutefois qu’il leur est difficile de vraiment se reposer. Du côté des éleveuses, le soin et la traite des bêtes doivent se faire au quotidien. Le travail de la vigne ou des champs étant saisonniers, il est plus facile, notamment durant l’hiver, de faire coïncider traitements et vie professionnelle, mais du printemps à l’automne c’est la nature qui impose son calendrier. Alors comment faire pour se faire soigner malgré tout ?
Une solution possible : se faire remplacer.
Depuis 50 ans, il existe un « Service de remplacement » qui fédère un réseau d’associations locales ou départementales dont « l’objectif est de maintenir l’outil de production en état de fonctionnement » face aux imprévus, explique son directeur, Franck Laur. Moyennant une cotisation de 50 euros par an en moyenne - cela varie d’un département à l’autre-, tout agriculteur, confronté à une panne de bras imprévue (accident, maladie, épuisement professionnel) ou non (maternité, vacances) peut y faire appel. Le service se charge alors de trouver un remplaçant disponible et de gérer la partie administrative. L’exploitant, lui, n’a plus qu’à régler la facture.
En moyenne (là encore cela varie en fonction des départements), il faut compter 150 euros la journée de remplacement. Ce qui est loin d’être à la portée de tous. Des aides sont disponibles, encore faut-il savoir qu’elles existent.
Bon à savoir
Le Service de remplacement propose à ses adhérents de souscrire le contrat « Main d’œuvre de remplacement », un contrat d’assurance de groupe annuel. Plusieurs formules sont disponibles avec des tarifs et franchises variables. Ce contrat permet de couvrir jusqu’à 70 % du coût d’un remplacement, avec un plafond d’heures.
Ne pas oublier qu’il existe aussi des contrats d’assurance privés pour les “accidents de vie“ aussi bien que pour les tracteurs. Et pour limiter le reste à charge, certains contrats de prévoyance prévoient une garantie spécifique.
Notons qu’il existe par ailleurs, selon les départements, des aides du conseil départemental ou de coopératives. Enfin, les caisses locales de la MSA peuvent - là encore selon les départements et leurs moyens - allouer une aide exceptionnelle.
Pour se faire aider dans les démarches, Chantal, céréalière dans le Calvados, suggère de solliciter l’assistante sociale de son établissement de soin. C’est ce qu’elle a fait lorsqu’elle a été admise au centre de cancérologie de Caen en 2015, au moment où son cancer du sein métastatique a été diagnostiqué. Elle se félicite aujourd’hui des conseils reçus qui lui ont permis de faire face à la situation.
(1) En cas d’arrêt maladie, le délai de carence étaient fixé à 7 jours jusqu’à cette année. Désormais, les IJ sont donc versées au bout de 3 jours de carence comme c’était déjà le cas pour une hospitalisation.