Initiée en 2020 par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, une réflexion conjointe avec les agriculteurs sur le bien-être animal en élevage a conduit à l’obligation de nommer un référent bien-être dans chaque exploitation. Effective depuis le 1er janvier 2022, cette mesure est assortie d’une formation obligatoire pour les référents bien-être de certains types d’élevage. Le point sur cette mesure avec les experts Mutualia.
Qu’est-ce que le bien-être animal ?
Le bien-être animal désigne l’état physique et mental d’un animal en relation avec les conditions dans lesquelles il vit et meurt.
Cela implique qu’il soit en bonne santé physique et qu’il ne souffre pas d’états désagréables tels que la douleur, la peur et la détresse. Le bien-être animal nécessite une prévention des maladies et un traitement vétérinaire, un abri, une nutrition, une manipulation et un abattage sans cruauté et, si nécessaire, une euthanasie digne et sans souffrance.
Les 5 libertés
Le bien-être animal est affecté par les relations que les êtres humains entretiennent avec les animaux. Il est donc important de veiller à ce que tous les animaux soient traités avec humanité, responsabilité et respect. Ces principes reposent sur 5 fondements, appelés « les 5 libertés », énoncées en 1965 et universellement reconnues. Ils décrivent les attentes de la société vis-à-vis des conditions de vie des animaux lorsqu’ils sont placés sous la responsabilité de l’homme :
1. Absence de faim, de soif et de malnutrition : l’animal doit avoir accès à une nourriture et à une eau suffisantes, équilibrées, variées et propres ;
2. Absence de peur et de détresse : l’animal doit être détenu dans des conditions d’élevage n’impliquant pas de souffrances psychiques ;
3. Absence de stress physique ou thermique : l’animal doit évoluer dans un environnement confortable (température, espace, qualité de l’air, odeur, bruit…) ;
4. Absence de douleur, de lésions et de maladie : les conditions d’élevage ne doivent pas impliquer de maltraitance et l’animal doit être soigné s’il présente une maladie ;
5. Liberté d’expression : possibilité pour l’animal d’exprimer les comportements normaux de son espèce.
Les éleveurs engagés dans le bien-être animal depuis 40 ans
Le bien-être des animaux d’élevage est une question complexe reliant plusieurs disciplines universitaires, notamment les sciences animales, la médecine vétérinaire, la psychologie, la sociologie et l’économie agricole. Les agriculteurs sont l’un des principaux contributeurs à la réussite de la mise en œuvre de normes améliorées pour le bien-être animal.
En effet, au cours des 40 dernières années, de nombreuses recherches ont été menées dans le monde entier avec le concours des agriculteurs afin de développer efficacement des programmes de vulgarisation, des approches socio-psychologiques, des politiques et des initiatives de gestion visant à renforcer le bien-être des animaux d’élevage.
Depuis les recherches pionnières de Seabrook en 1984, portant sur l’interaction psychologique entre l’éleveur et ses animaux et son influence sur les rendements, les prises de positions et de décisions des agriculteurs concernant le bien-être animal ont nettement fait progresser le développement d’outils et de politiques sur le sujet.
Par exemple, le Welfare Quality, un outil d’évaluation développé au milieu des années 2000 en collaboration avec l’INRA, permet d’estimer la qualité du bien-être animal sur le terrain. Fondé sur les 5 libertés de l’animal, il s’appuie sur des données scientifiques et des mesures effectuées sur les animaux. De nombreux éleveurs utilisent déjà cet outil, ou des variantes vulgarisées, pour les aider à améliorer leurs démarches pour le bien-être de leurs bêtes.
D’un autre côté, l’amélioration de la compréhension de la façon dont les éleveurs perçoivent et valorisent le bien-être animal a permis de conduire à un développement plus efficace du transfert de connaissances, ainsi qu’à des politiques et des initiatives de gestion collaboratives visant à maintenir les animaux d’élevage en excellente santé. La nouvelle mesure relative à la désignation d’un référent bien-être dans les élevages français témoigne par exemple de ces concertations positives en la matière.
Un référent bien-être désormais obligatoire dans tous les élevages
De la réflexion au décret
Début 2020, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a engagé une réflexion visant à renforcer la sensibilisation et la formation au bien-être animal en élevage. Avec le concours des filières concernées, notamment pour le volet formation, la concertation s’est concrétisée en quelques mois en un décret publié au Journal Officiel le 20 décembre 2020.
Le décret n°2020-1625 prévoit la nomination obligatoire au plus tard le 1er janvier 2022 d’un référent bien-être animal dans chaque élevage. Le 29 décembre 2021, un arrêté est publié précisant les modalités de désignation du référent.
« Annoncé par le Gouvernement en 2020, c’est aujourd’hui une réalité : tous les élevages auront un référent bien-être animal au 1er janvier 2022. Je salue le travail mené par l’ensemble des parties prenantes et notamment les filières qui ont répondu à l’appel que nous avions lancé pour construire cette mesure », a déclaré Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation.
À qui s’applique la mesure ?
Tous les élevages français d’animaux domestiques (animaux de rente, de compagnie, équidés) et d’animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité sont concernés.
Chaque élevage aura dû, au plus tard le 1er janvier 2022, désigner son référent bien-être animal. Celui-ci peut être le responsable de l’élevage ou un salarié du personnel. Dans tous les cas, l’identité du référent doit être explicitement mentionnée dans le registre d’élevage. Par ailleurs, chaque site d’élevage où il intervient doit clairement afficher son identité.
Une formation obligatoire pour les élevages de volailles et de porcs
L’obligation de nomination d’un référent bien-être animal est assortie d’une formation spécifique et obligatoire pour les élevages de porcs et de volailles. Cette formation s’adresse au chef d’exploitation et/ou au salarié agricole désigné comme référent bien-être animal. Pour les autres filières (ovines, bovines…), une formation bien-être animal peut néanmoins être suivie sur la base du volontariat par les référents.
Dans le cadre de la mesure, la formation est assurée et prise en charge par VIVEA, le fonds pour la formation des entrepreneurs et du vivant, et OCAPIAT, l’opérateur de compétences pour la coopération agricole, l’agriculture, la pêche, l’industrie agroalimentaire et les territoires.
Le parcours de formation est constitué d’un module distanciel commun d’une durée de 2 heures et d’une formation labellisée « bien-être animal », d’une durée minimale de 7 heures. Un certificat valable 7 ans est délivré à l’issue de la formation.
Les formations labellisées « bien-être animal » répondent à un cahier des charges précis et ont pour objectif :
- d’atteindre une meilleure prise en compte des connaissances scientifiques sur le bien-être animal,
- de créer une dynamique autour des démarches de progrès en cours,
- de faire reconnaître le métier d’éleveur ainsi que de valoriser la qualité des productions commercialisées.
Concrètement, cette formation de qualité permet d’aborder notamment :
- la définition du bien-être animal,
- la règlementation relative à la protection animale,
- les différentes composantes du bien-être animal dont les 5 libertés et l’évaluation du bien-être animal (Welfare Quality),
- la sensibilisation aux manipulations et aux pratiques d’élevage appliquées aux animaux,
- la nécessité d’améliorer le bien-être animal,
- le principe d’interdépendance entre bien-être animal et homme (« One Welfare » ou « Un seul bien-être »).
6 mois pour commencer la formation
À compter du 1er janvier 2022, les référents bien-être animal désignés dans chaque élevage ont 6 mois pour débuter leur parcours de formation, soit jusqu’au 30 juin 2022. Ils disposent ensuite de 18 mois pour l’achever.
Toutefois, les formations relatives au bien-être animal suivies avant le 1er janvier 2022 peuvent être reconnues au titre du parcours de formation.
Une mesure qui arrive à point nommé
Avec le désir croissant des consommateurs pour un développement continu du bien-être des animaux d’élevage et grâce à l’implication des éleveurs qui ont pleinement conscience que la santé et le bien-être de leurs bêtes sont également étroitement liés à la performance économique, cette mesure offre un terreau favorable au renforcement des liens entre le public et le monde de l’élevage.
« La mise en place de ce dispositif de sensibilisation et d’amélioration continue, fruit d’un dialogue constructif entre l’État et le monde de l’élevage, participe à la relation de confiance renouvelée qui se construit entre nos éleveurs et les citoyens », a précisé le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, concluant que « le monde de l’élevage nous montre une nouvelle fois qu’il est pleinement engagé dans les transitions ».
En conclusion
Plus d’un milliard d’animaux de ferme sont élevés chaque année en France, ainsi que plusieurs millions de poissons. C’est un immense défi d’essayer d’améliorer le bien-être d’un si grand nombre de bêtes. Toutefois, les éleveurs encouragent cette amélioration en s’appuyant de plus en plus sur des données scientifiques et des preuves pragmatiques sur le terrain pour aider au développement de politiques et favoriser de nouvelles pratiques d’élevage.
Cette nouvelle mesure illustre cet engagement positif des éleveurs envers le bien-être de leurs bêtes. Le dialogue se poursuit et évolue constamment, et les actions qu’il inspire permettent d’offrir jour après jour de meilleures conditions de vie pour les animaux d’élevage.