L'agroforesterie est la pratique consistant à planter des arbres dans les terres agricoles aux côtés des cultures conventionnelles. En plus d'être très lucrative pour l'agriculteur, l'agroforesterie présente de nombreux autres avantages. Elle rétablit l'équilibre écologique des terres agricoles, prévient l'érosion des sols et le ruissellement de l'eau, offre d'autres options de revenus et atténue les conditions météorologiques locales extrêmes. Tour d’horizon de l’agroforesterie et de ses applications avec les experts Mutualia.
L'agroforesterie, c’est quoi ?
L’agroforesterie est un système de gestion de l’utilisation des terres dans lequel des arbres ou des arbustes sont cultivés autour ou parmi les cultures ou les pâturages. Cela comprend les arbres dans les exploitations et les paysages agricoles, l’agriculture dans les forêts et le long de leurs lisières, ainsi que la plantation d’arbres greffés.
Alors que les forêts naturelles sont défrichées pour l’agriculture et d’autres types de développement, les avantages que procurent les arbres sont mieux préservés en les intégrant dans des paysages agricoles productifs. Cette pratique n’est pas nouvelle, elle possède une longue histoire qui remonte à des millénaires, à l’époque où l’Homme était un chasseur-cueilleur.
L'agroforesterie peut être appliquée à diverses cultures, y compris la viticulture, où elle offre des avantages spécifiques pour la gestion des vignes. Pour en savoir plus sur l'intégration de l'agroforesterie dans la viticulture, consultez cet article sur l'agroforesterie et la vigne.
L’agroforesterie, comment ça marche ?
Les interactions entre les arbres et d’autres composantes de l’agriculture peuvent être importantes à différentes échelles :
- Dans les champs : où les arbres et les cultures sont cultivés ensemble ;
- Dans les fermes : où les arbres peuvent fournir du fourrage pour le bétail, du carburant, de la nourriture, un abri ou des revenus de produits, y compris le bois ;
- Dans les paysages : où les utilisations des terres agricoles et forestières se combinent pour déterminer la prestation des services écosystémiques.
L’agroforesterie est un système agricole et forestier qui essaie d’équilibrer divers besoins :
- Produire des arbres pour le bois et à d’autres fins commerciales ;
- Produire une offre diversifiée et adéquate d’aliments nutritifs à la fois pour répondre à la demande mondiale et pour satisfaire les besoins des producteurs eux-mêmes ;
- Assurer la protection de l’environnement naturel afin qu’il continue à fournir des ressources et des services environnementaux pour répondre aux besoins des générations présentes et futures.
L’agroforesterie implique une large gamme d’arbres qui sont protégés, régénérés, plantés ou gérés dans des paysages agricoles, car ils interagissent avec les cultures annuelles, le bétail, la faune et l’Homme.
Les avantages de l’agroforesterie au service de stratégies climato-intelligentes
La FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), fondatrice du concept d’agriculture climato-intelligente en 2010, donne une définition simple : il s’agit « d’une agriculture qui augmente la productivité et la résilience (adaptation) des cultures de manière durable, favorise la réduction/élimination des gaz à effet de serre (atténuation), améliore la sécurité alimentaire nationale et contribue à la réalisation des objectifs de développement du pays ».
Ainsi, les systèmes agroforestiers peuvent être avantageux par rapports aux méthodes conventionnelles de production agricole et forestière. Ils peuvent offrir une productivité accrue, des avantages économiques et une plus grande diversité dans les biens et services écologiques fournis. Par ailleurs, l’agroforesterie peut contribuer de manière significative à l’atténuation du changement climatique et participe à l’adaptation agricole.
Lutte contre le réchauffement climatique
À l’échelle locale, les arbres plantés sur des terres agricoles créent un microclimat et contribuent à protéger les cultures du vent, du grand froid, de la sécheresse mais également des aléas naturels tels que les inondations et les tempêtes.
L'agroforesterie a aussi des impacts de grande envergure à l'échelle mondiale. L'augmentation de la couverture verte aide à réduire les gaz à effet de serre grâce à la capacité de séquestration du carbone des arbres, à inverser le réchauffement climatique et à bloquer l'élévation du niveau de la mer. Correctement mise en œuvre, l’agroforesterie permet également de reconstituer les aquifères profonds au fil des siècles et même des millénaires.
Amélioration de la biodiversité
La biodiversité dans les systèmes agroforestiers est généralement plus élevée que dans les systèmes agricoles conventionnels. Deux ou plusieurs espèces de plantes en interaction dans une zone donnée créent un habitat plus complexe qui peut accueillir une plus grande variété de faune.
Croissance des sols et des plantes
Une terre appauvrie peut être protégée de l’érosion du sol par les plantes couvre-sol telles que les graminées à croissance naturelle dans les systèmes agroforestiers. Ceux-ci aident à stabiliser le sol en augmentant la couverture par rapport aux systèmes de culture à cycle court. Une eau plus propre grâce à une réduction des nutriments et du ruissellement peut être un autre avantage de l’agroforesterie.
Contribution à des systèmes agricoles durables
- Réduction de la pauvreté grâce à l'augmentation de la production de bois et d'autres produits
- Sécurité alimentaire accrue grâce à la restauration de la fertilité des sols pour les cultures vivrières
- Utilisation multifonctionnelle du site
- Réduction du risque de réchauffement de la planète et de la faim en augmentant le nombre d'arbres et de plantes résistants à la sécheresse et la production subséquente de fruits, de noix et d'huiles comestibles
- Réduction de la déforestation et de la pression sur les terres boisées grâce à la fourniture de bois de feu agricole
- Besoin réduit en produits chimiques toxiques (insecticides, herbicides, etc.)
- Amélioration de la nutrition humaine grâce à des productions agricoles plus diversifiées
- Espace croissant pour les plantes médicinales, par exemple, dans des situations où les gens ont un accès limité aux médicaments traditionnels
Agroforesterie : inconvénients et défis
Bien que les avantages de l’agroforesterie retiennent l’attention au niveau national et international et qu’un corpus littéraire scientifique en apporte des preuves, cette pratique durable reste confrontée à des nombreux défis et obstacles.
Voici les principaux inconvénients de l’agroforesterie :
- Retour sur investissement retardé : bien que les arbres soient rentables car ils produisent des valeurs nettes positives au fil du temps, le seuil de rentabilité pour certains systèmes agroforestiers n’intervient qu’après plusieurs années.
- Marchés sous-développés : les marchés des produits arboricoles sont à la fois moins efficaces et moins développés que pour les produits de base des cultures et de l’élevage. Les chaines de valeur liées aux systèmes agroforestiers reçoivent quant à elles encore peu de soutien.
- Conscience limitée des avantages de l’agroforesterie : la dépendance excessive vis-à-vis des méthodes agricoles conventionnelles et une connaissance insuffisante des approches durables limitent l’intérêt des décideurs politiques pour le développement de l’agroforesterie. Cela influence à son tour négativement la quantité de ressources consacrées à la recherche, à la diffusion, aux informations sur le marché et à la propagation de matériel génétique de qualité, qui sont toutes cruciales pour une large adoption des pratiques agroforestières.
- Réglementations défavorables : les politiques agricoles pénalisent fréquemment les pratiques nécessaires à la mise en œuvre de l’agroforesterie, tout en soutenant une approche à grande échelle des produits agricoles, alimentaires et énergétiques.
- Accent mis sur l’agriculture commerciale : les politiques agricoles offrent souvent des incitations à l’agriculture qui favorise certains modèles, tels que les systèmes de monocultures. Quant aux exonérations fiscales, elles visent généralement la production agricole industrielle.
Cas concrets d’agroforesterie en France
Parmi les centaines d’exemples d’agroforesterie réussis en France, on peut retenir la Ferme de la Durette ou encore le La Basse-Cour du Bois Gourmand » à Fourquevaux dans le Lauragais (Occitanie) qui a choisi l’élevage de poules en plein air et la production d’œufs au milieu d’un immense écosystème d’arbres. Ceux-ci ont été plantés selon un quadrillage de 10 mètres sur 10 afin de créer de l’ombrage, le tout sur 18 000 m² de parcelle.
Au total, plus de 160 arbres de 16 espèces différentes ont été disposés dans les parcours enherbés des poules. Parmi eux, 30 fruitiers greffés de variétés anciennes qui produisent des fruits toute l’année (cerises, prunes, poires, pommes). En périphérie des parcours, 250 mètres de haies champêtres ont été plantées, soient 250 arbres de haut et moyen jet, et des arbres buissonnants haut et bas (merisiers, noyers, tilleuls, alisiers, charmes, figuiers, noisetiers, églantiers…).
Pacte en faveur de la haie : enrayer la destruction des haies et booster l'agroforesterie
Face à l'érosion constante du bocage français (- 20 000 km de haies par an ces dernières années), le gouvernement français a lancé fin 2023 un ambitieux Pacte en faveur de la haie et l'agroforesterie. Il s’inscrit dans la lignée de la mesure « Plantons des haies », initiée en 2021 dans le cadre du plan France Relance.
Ce plan, doté de 110 millions d'euros, a pour objectif un gain net de 50 000 km de haies d'ici 2030. Plantations, soutien financier, développement de filières durables, renforcement des compétences... Les actions prévues sont multiples et visent à mobiliser l'ensemble des acteurs concernés. Le premier appel à projet a été ouvert en mars 2024.
Avec ses 1,6 million d'hectares dédiés à l'agroforesterie, la France possède un atout précieux à préserver. Le Pacte en faveur de la haie et l'agroforesterie s'inscrit dans une dynamique prometteuse pour valoriser ce patrimoine naturel et contribuer à relever les défis environnementaux majeurs de notre époque.