France 2030 : ouvrir la voie à la troisième révolution agricole

Présenté en octobre 2021 par Emmanuel Macron, le plan France 2030 prévoit de débloquer 30 milliards d’euros sur cinq ans dont près de 3 milliards pour le secteur agricole et agroalimentaire. Destinés à favoriser la souveraineté alimentaire française par le biais de l’innovation, ces investissements massifs permettraient d’ouvrir la voie à une troisième révolution agricole dont la France serait pionnière au monde. Mutualia revient sur le plan de bataille d’Emmanuel Macron, le déroulé budgétaire dédié au secteur agricole et les premières actions qui ont été mises en place récemment.

France 2030 : 30 milliards d’euros pour répondre aux grands défis de notre temps

Accompagner la transformation des secteurs d’excellence

Le 12 octobre dernier à l’Élysée, devant une assemblée de 200 chefs d’entreprises, étudiants, chercheurs, ministres et élus, Emmanuel Macron a annoncé un plan d’investissement de 30 milliards d’euros étalés sur cinq ans. Baptisé « France 2030 », il fait suite aux 140 milliards d’euros de mesures d’urgence déployées durant la crise et au plan de relance de 100 milliards d’euros que le gouvernement Macron a créé en 2020 pour aider à soutenir une économie frappée par la pandémie de coronavirus.

Ce nouveau plan, construit avec l’Europe, poursuit la stratégie du gouvernement en faveur de l’investissement, de l’innovation et de la réindustrialisation. Il doit permettre à la France de rattraper son retard dans certains secteurs, de créer de nouvelles zones industrielles et technologiques et d’accompagner la transition écologique dans divers domaines d’excellence de l’économie française dont l’agriculture.​

10 objectifs pour redevenir une nation d’innovation et de recherche

Le plan d’investissement France 2030 visant à réconcilier innovation et industrialisation s’articule autour de 10 objectifs dans six domaines d’excellence (énergie, transports, alimentaire, santé, culture, secteur spécial et fonds marins) pour mieux comprendre, mieux vivre et mieux produire en France à l’horizon 2030 (source : elysee.fr) :

« Ce plan a vocation à relever un certain nombre de défis de société avec trois grandes transitions : écologique, santé et alimentation », a précisé Emmanuel Macron lors de sa présentation.

2,85 milliards d’euros pour soutenir la troisième révolution agricole

Accélérer la révolution agricole et agroalimentaire

Parmi les 10 objectifs du plan France 2030, l’objectif n°6 prévoit plus de 2 milliards d’euros d’investissements destinés à des innovations de rupture dans l’agriculture afin d’entrer une « nouvelle révolution de l’alimentation saine, durable et traçable ». Emmanuel Macron compte ainsi « investir dans trois révolutions qui vont en quelque sorte être la suite de la révolution mécanique et de la révolution chimique qu’on a connues : le numérique, la robotique, la génétique ».

La France de demain devra continuer à produire pour nous nourrir, en améliorant la qualité de l’alimentation et la compétitivité tout en abaissant les émissions de CO2.

Ainsi, ces investissements seront destinés à :

• décarboner la production agricole,
• améliorer la productivité,
• tracer les aliments,
• sortir de certains pesticides,
• et de développer des productions plus résilientes et plus solides dans les bio-solutions.

Voir la présentation de l’objectif 6 d’Emmanuel Macron.

Cette révolution concerne donc toute la chaîne agroalimentaire. Elle viendra consolider l’existant mais aussi repousser les frontières de la connaissance tout en continuant d’accompagner des solutions innovantes et opérationnelles :

• Sélection de variétés de plantes plus résistantes au changement climatique
• Solutions de biocontrôle pour soigner les plantes
• Développement de nouveaux ferments afin d’améliorer la qualité nutritive des aliments
• Nouveaux emballages recyclables, réutilisables et comestibles
• Solutions numériques de traçabilité tout au long de la production et de la commercialisation
• La mobilisation des nouvelles technologies permettra ainsi de gagner en compétitivité et de mieux répondre aux besoins et aux attentes des consommateurs, tout en favorisant une alimentation durable et favorable à la santé.

800 millions d’euros supplémentaires pour revaloriser l’agriculture française

Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, a présenté lors d’un point presse la façon dont les 2 milliards d’investissements du plan France 2030 seront ventilés, auxquels viendront s’ajouter plus de 800 millions d’euros dans le cadre du PIA4 (quatrième plan d’investissements d’avenir) consacré à l’innovation. Ces investissements seront ventilés comme suit (source :  Pleinchamps) :

• Un milliard pour « la révolution du vivant et de la connaissance », destinée à la recherche de solutions innovantes, à l’agrorobotique, au développement numérique, notamment au service de l’innovation face au changement climatique (méthanisation, sélection des semences…).
• 850 millions « pour renforcer les chaines alimentaires locales, pour une alimentation favorable à la santé », avec un important volet « recherche sur les ferments et les microbiomes (micro-organismes bénéfiques pour la santé) ». L’objectif est de « relocaliser, renforcer la traçabilité et innover en soutenant des projets territoriaux, notamment pour réduire la dépendance française en protéines végétales ».
• 500 millions pour développer de « nouveaux matériaux au service de la construction bas-carbone », à travers un « plan cellulose » pour rénover et moderniser l’appareil de production de la filière bois, en parallèle du repeuplement des forêts.
• 500 millions seront consacrés à un « fonds entrepreneurs du vivant » destiné à aider l’installation de jeunes agriculteurs ou de start-up.

« Nous sommes face à des défis importants : climatique, démographique et environnemental », a commenté le ministre de l’Agriculture. « Nous sommes à l’aube de la troisième révolution agricole […]. Nous en sommes encore aux prémices. La France sera le premier pays à la mettre en œuvre dans le monde ».

Grâce à ces investissements, l’amorce de cette troisième révolution agricole, fondée sur le tryptique numérique-robotique-génétique, s’appuiera sur la production et l’analyse de données numériques, la production de semences génétiquement modifiés, le développement et l’usage de l’intelligence artificielle et sur l’investissement dans des machines agricoles innovantes.

Toutefois, face aux dérives potentielles, le ministre a expliqué que la règlementation allait évoluer en même temps que le développement des technologies, notamment en matière de robotique. Concernant la sélection variétale accélérée, il précise que « les nouvelles technologies sont une source de progrès pour réduire le stress hydrique des cultures (faire un lien vers l’article sur Elicit Plant) par exemple, mais qu’elles ne doivent pas servir au développement de plantes résistantes aux pesticides ».

Création du label French Tech Agri20 pour accompagner les startups du secteur agricole

Répondre aux enjeux identifiés dans le plan France 2030

Le Next40 et le French Tech 120 continuent de faire des émules. Après avoir donné naissance l’an dernier au French Tech Green20, une déclinaison pour faire émerger une vingtaine de petites entreprises françaises qui innovent en matière d’environnement, les deux indices phares de l’écosystème français ont inspiré un nouveau label, la French Tech Agri20, dévoilé par Julien de Normandie en marge du dernier Salon de l’Agriculture.

Ce nouveau programme, qui s’inscrit dans la continuité du plan France 2030, vise à accompagner 20 start-up AgTech prometteuses et porteuses d’innovations de rupture pour répondre aux principaux défis alimentaires et agricoles des décennies à venir. Ces innovations doivent notamment apporter des réponses aux enjeux identifiés dans le cadre de France 2030, à savoir l’alimentation durable et saine, les systèmes et équipements agricoles durables pour la transition écologique, les fermes du futur, les entrepreneurs du vivant, du bois et de la bioéconomie pour des usages non alimentaires en agriculture.

Lancer 10 licornes françaises dans le secteur d’ici 2030

Pour l’heure, les pépites du secteur souffrent d’un manque de visibilité dans la French Tech face à des acteurs omniprésents dans les médias comme Doctolib, Lydia ou encore Blablacar. Ÿnsect, Innovafeed et Agriconomie font partie des rares start-up innovantes des filières agricoles et agroalimentaires présentes dans le Next40 et le FT120.

Pour remédier à cette situation, la French Tech cherche donc à faire émerger une vingtaine de champions potentiels qui pourraient réinventer l’agriculture et l’alimentation de demain. « Nous devons répondre à cinq enjeux de demain : nourrir mieux, avoir une énergie plus verte et plus locale, avoir un accès pour tous à l’eau douce, affronter la réalité climatique et enfin, faire vivre nos agriculteurs », a rappelé Paolin Pascot, co-fondateur d’Agriconomie.

L’objectif est également de porter à 15% le nombre de start-up du secteur dans le FT120 pour faire émerger 10 licornes françaises d’ici la fin de la décennie. Étant donné l’importance de l’agriculture pour l’avenir de l’humanité, Antoine Hubert, co-fondateur d’Ÿnsect, estime quant à lui qu’il devrait y « avoir au moins 20% d’AgriTech dans le classement ».

Pour conclure

Ce plan France 2030, consacrant près de 3 milliards d’euros aux transitions agricoles et alimentaires, permettra d’investir dans des solutions d’avenir pour accélérer le déploiement de la troisième révolution agricole promise par Emmanuel Macron et rétablir notre souveraineté alimentaire. Si la création du label Agri20 est un premier pas tangible vers cette troisième révolution agricole, de nouveaux appels à projets sont en cours dans le cadre de France 2030, initiés par le ministère de l’Agriculture, et ouverts à hauteur de 207 millions d’euros. D’autres devraient suivre prochainement.