Plus de cent ans après son introduction en France, le phylloxéra persiste dans nos sols, et reste un sujet de recherche. Cette problématique doit être prise en compte par les vignerons de plus en plus nombreux à souhaiter un retour au franc de pied.
Depuis le temps, on l’aurait presque oublié ! Pourtant, le phylloxéra est toujours présent dans les vignobles hexagonaux et européens. L’Inra de Bordeaux, qui a repris les recherches sur ce ravageur en 2013, constate d’ailleurs l’apparition de plus en plus fréquente de formes gallicoles sur nos Vitis vinifera, pourtant très peu sensible à l’expression sur feuilles. « Il est plus ou moins visible selon les conditions environnementales, car il remonte sur les parties aériennes lorsqu’il y a un stress au niveau des racines de porte-greffe, explique Daciana Papura, ingénieur de recherche à l’UMR Save de Bordeaux. Mais il y a bien des populations latentes, qui survivent dans les sols viticoles sans être dommageables à la vigne, tolérées par ses racines américaines. » Dans le même temps, de plus en plus de vignerons se lancent dans des projets de vignobles francs de pied. Pour certains, il s’agit de retrouver un goût d’autrefois, dans une démarche de vin nature où l’on souhaite voir le cépage s’exprimer pleinement et sans contrainte sur un terroir donné. Des initiatives qui sont d’ailleurs souvent relayées dans les médias et plutôt bien vues du public.
Les plantations franc de pied s’exposent à la destruction par le ravageur.
« Pour d’autres il s’agit plutôt d’une remise en cause du porte-greffe », remarque Virginie Grondain, de l’IFV Val de Loire. Alors sommes-nous à l’orée de nouveaux problèmes sanitaires dus à ce petit insecte ? Sans être alarmiste, il se pourrait que le phylloxéra redevienne un sujet pour les viticulteurs. " Les populations peuvent être plus ou moins agressives, en induisant des symptômes d’intensité variable ", relève Daciana Papura. Pour y voir plus clair, un consortium international a été créé afin de bâtir des projets sur cet enjeu. Si les attaques sur feuilles, de plus en plus observées en Europe, deviennent problématiques, il faudra plancher sur l’homologation d’insecticides contre les pucerons, qui n’existent plus en vigne depuis longtemps. Quant au sujet des vignerons qui se lancent dans des plantations en franc de pied, s’ils ne présentent pas a priori de danger pour leurs voisins, « ils s’exposent purement et simplement à la destruction de leurs parcelles par le ravageur, avertit Olivier Yobrégat, de l’IFV Sud-Ouest. Mais cela ne se verra pas tout de suite ». En effet, la phase de mortalité des vignes n’intervient qu’après une période de multiplication du parasite, qui prend plusieurs années et peut s’accompagner d’un dépérissement.
Planter franc de pied dans les terrains sableux, c’est possible!
Mais ensuite la mortalité surgit dans les deux ans, de façon radicale. Malgré de nombreuses recherches à travers le monde, personne n’a trouvé de meilleur remède que le porte-greffe. « À moins de faire des analyses de sol qui attestent que le taux d’argile est négligeable, car l’insecte a besoin d’une terre qui se tient un minimum pour creuser ses galeries, nuance le scientifique. Dans ce cas, cela ne pose aucun problème. » Mais pour l’expert de l’IFV, il n’est pas garanti qu’un cépage soit mieux adapté à un sol avec ses propres racines.
Une solution écologique autre que le porte-greffe pourrait toutefois venir de l’Inra de Bordeaux. Car les recherches sur le déterminisme génétique de la résistance des porte-greffes sont en cours à Bordeaux. « C’est un travail de longue haleine, mais nous connaîtrons bientôt les marqueurs de la résistance au phylloxéra », prédit Daciana Papura.
La voie du biocontrôle est aussi explorée par les chercheurs.
Dès lors, il sera possible d’intégrer ce paramètre dans le processus de création variétale, et d’imaginer de nouvelles variétés de Vitis tolérantes (entre autres) à l’insecte. Une autre piste explorée par les chercheurs réside dans l’étude des champignons entomopathogènes, qui ont la capacité de parasiter les arthropodes. La technique est déjà connue dans le secteur du biocontrôle, et les chercheurs français ont d’ores et déjà ciblé des souches pour faire des tests sur le phylloxéra. En revanche, inutile d’espérer un jour lutter contre cet insecte par confusion sexuelle. « Non seulement nous avons peu de connaissances sur l’utilisation de phéromone sexuelles par les pucerons, mais en plus le phylloxera se reproduit principalement sous forme asexuée sous nos latitudes, par parthénogenèse », plante la chercheuse.
Source: Réussir Vigne, Xavier Delbecque